Rosalba Carriera ne ressemble en rien au stéréotype de la dame de son temps ” Au grain de beauté, fragile, affectée de malaise, accompagnée de son chevalier servant.." Il suffit de regarder ses autoportraits, pour découvrir une femme simple, sans coquetterie superflue, réservant ces artifices aux nobles qu'elle embellit volontairement. En effet ceux ci sont extrêmement soignés dans leur aspect, que ce soit pour les détails de la coiffure, des vêtements , des parures, grâce aux touches délicates de couleurs qui exaltent le teint diaphane des visages, ainsi que la luminosité des brocats. Ce qui nous frappe également, dans les oeuvres les plus réussies, c'est cette capacité introspective notoire, comme le “ Ritratto di donna anziana ” que l'on trouve aux galleries de l'Accademia et qui nous montre une dame élégante avec une sorte de verrue inesthétique sur la joue droite, qui n'a rien à voir avec le fameux grain de beauté artificiel de la mode de l'époque. Il est fort probable que l'artiste, lorsqu'elle n'est pas contrainte de complaire à son commanditaire, préfére le courage de la vérité, renonçant à la mode du Rococo pour un réalisme plus crû. Au cours du temps qui passe inéxorablement, elle dévoile sa souffrance, sans aucune dissimulation. Le plus dramatique de ses autoportraits dénote une décadence physique implacable, avec des cheveux gris et ternes, des poches sous les yeux, la fatigue des traits, le pli amer de la bouche. Elle va vers la cécité, qui la condamnera à ne plus peindre. Dans sa jeunesse, son naturel n'ôte rien à sa féminité, elle est sensible à la musique, amante des belles conversations qui sont ses seules véritables distractions hors de son activité frénétique. Dès 1700 elle habite à San Vio, avec sa mère et ses deux soeurs, Angiola et Giovanna. A cette période, elle s'est adaptée à des travaux de routine mais toutefois lucratifs. Elle dessine de jolis modèles pour la dentelle, puis successivement elle se passionne pour la mode des tabatières, dont le serviteur Sganarelle fait l'éloge dans le “ Don Juan” de Molière. Sa notoriété s'accentue grâce à l'art des miniatures en ivoire, comme “ L'enfant à la colombe” qui est son épreuve d'admission à l'Académie de San Lucca à Rome, et qui s'adapte au goût du Rococo des cours européennes. Le petit format se prête fort bien aux souvenirs de voyage, au témoignage d'une aventure galante, réèlle ou rêvée, ou bien encore aux portraits des plus belles vénitiennes. Rosalba Carriera va côtoyer des personnages célèbres.. Auguste lll de Sassonie, le duc Christian Ludovic de Mecklenbourg, et le roi Frédéric IV de Danemark qui emporte avec lui 12 miniatures de dames vénitiennes lors de son passage à Venise. C'est au musée de Cà Rezzonico, que nous avons encore deux magnifiques témoignages de cette production, et que je décris lors de mes visites. En 1720, Rosalba Carriera est reçue à l'Académie royale de peinture de Paris. Auparavant, dès son arrivée, l' artiste renommée pour ses portraits de la noblesse européenne est accablée de demandes. Son art fait fureur, et elle peint sans relâche pendant un an. C'est à ce moment précis qu'elle va atteindre la pleine maturité de son art au pastel.. Cette expérience est également innovative pour un autre aspect..Pour la première fois, elle s'approche du monde de l'enfance, en peignant le jeune Louis XV, agé de 10 ans. D'autres magnifiques tableaux comme “ Bambina con ciambella ” et “ Ritratto del giovinotto ” sont à l'Accademia de Venise. Ce sont les deux enfants du consul français Le Blond, peints en 1725 et 1726, magnifiques et gracieux.. Plus tard elle peindra à Modène les 3 filles du duc Rinaldo d' este. L'année à Paris est une année difficile, mais combien riche.. L’artiste est assiégée du matin au soir par une foule de demandes qu’elle est parfois contrainte de refuser. Les femmes de la plus haute société comme les princesses de Conti, Mme de Parabère, la duchesse de Clermont viennent poser chez elle dès six heures du matin. Elle est obligée, faute de temps, de refuser les instances de ses plus intimes amis. . Les artistes français alors en vogue dissimulent une certaine jalousie pour les succès de Rosalba mais ils ne laissent paraître aucun sentiment d’hostilité. Parmi eux il y a Antoine Coypel, Nicolas Vleughels, François de Troy, le grand portraitiste Hyacinte Rigaud, le pastelliste Vivien, Charles de la Fosse, Largillière, Watteau, Lemoine, mais aussi le sculpteur Falconet, le graveur Gérard Edelinck, qui recherchent sa compagnie et sont admis, chez Crozat, dans son cercle d'amitiés. Son activité diminue à partir de 1747, alors qu'elle a séjourné auparavant a Vienne et Gorizia. En effet elle commence à être atteinte de cécité. Elle meurt 10 ans après. Une visite aux galleries de l'Accadémie et au musée de Cà Rezzonico permet de reconstruire le développement artistique de Rosalba Carriera. .. Une femme qui laisse un témoignage important dans la société de son temps
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